[wip] Ayssi comenso las leys d’amors
1356, Toulouse.
Un siècle après la croisade contre les cathares, Toulouse est désormais rattachée à la couronne de France. La culture occitane a été mise à mal dans tout ce qui faisait son originalité : spirituelle d’abord, l’inquisition ayant traqué et exterminé les hérétiques cathares, littéraire ensuite. En effet, la poésie courtoise des troubadours, première littérature profane de l’occident chrétien, est en déclin.
Souhaitant la pérenniser, sept troubadours fondent cette année-là le «Consistori del Gay Saber» (Consistoire du Gai Savoir), première académie litéraire médiévale. Cette académie récompenserait chaque année une œuvre littéraire en langue d’Oc, elle est l’ancêtre de l’actuelle Académie des Jeux Floraux. Afin de codifier l’art poétique, Guilhèm de Molinier, l’un d’entre eux, rédige un traité de langue et littérature qu’il nomme «Las leys d’amors» (Les lois d’amour). On peut considérer ce livre également comme la première grammaire d’une langue romane.
Le manuscrit se trouve à Toulouse. Outre que cette culture me touche, l’écriture m’a également beaucoup intéressée quand je suis tombée sur le facsimilé du livre. Il s’agit d’une gothique que je trouve très spécifique à ce coin de sud de l’Europe latine : elle ne se plie pas à la verticalité qu’aurait une Textura, plus fréquente au nord de l’Europe, mais n’est pas non plus aussi ronde que la Rotunda de la péninsule ibérique, ou d’Italie. Équilibrée, sa structure m’a semblé déjà très contemporaine. Si j’osais, je dirais pré-humanistique.
D’où qu’il me soit venu une idée de création typo, en plusieurs temps. Déjà, dessiner cette belle gothique. Je ne sais pas vous, mais j’ai un mal fou à trouver une Blackletter bien dessinée, pas trop sèche, quand je parcours les catalogues de fonderies. Une belle gothique, ça peut servir, être apprécié, et surtout faire revivre celle-ci, ce patrimoine.
Dans un second temps, il s’agirait de dessiner un Serif et un Sans sur la structure de la gothique, qui pourraient s’utiliser par eux-mêmes, comme accompagner la gothique. Si mon intuition se révèle exacte quand à la modernité de sa structure, ça devrait marcher. Je fais quelques essais sur calque d’après l’unique page que j’ai du facsimilé : ça marche !
Je n’ai plus qu’à demander à avoir accès au manuscrit, et dessiner… dessiner… la gothique le plus fidèlement au manuscrit, et le reste dessiné sur la structure, interprété dans les formes, utilisable. Sacré pari, travail de longue haleine, mais qui m’enthousiasme beaucoup.
Je vous laisse avec ce document, qui présente mes premiers essais.